Chapitre 10La nuit hurlait.
Déchirant l’air comme une plainte humaine, le vent sifflait, grondait sur l’océan enténébré tandis que les eaux frappaient la coque.
Gémissant, le bateau se redressait, cabrait, tentait de rester maître de son cap alors qu’une conspiration des éléments le lui interdisait.
Nous étions attaqués de toutes parts.
— J’ai peur, Saad, j’ai très peur, cria Boub à mon oreille.
La mort allait monter à l’abordage, c’était évident. Déjà la mer, après nous avoir nargués d’un sourire narquois en montrant ses dents baveuses d’écume, envoyait sur nous depuis le fond de l’obscurité son armée de soldats innombrables, des vagues brutales, véhémentes, qui, loin de nous porter, voulaient nous détruire, qui, plus dures que des sabres, attaquaient nos flancs, assénaient des coups à la carène, secouaient notre esquif tel un bouchon.
— Nous devrions approcher de la Sicile, répondis-je, époumoné, à Boub pour le rassurer.
J’allumai ma lampe-torche et fouillai l’ombre. En vain. Les rivages, visibles avant la tempête, avaient désormais disparu.